Captain Poêle à Frire - Part 5 : from Shaolin with love

1/ Joyeuses fêtes à tous. Que le deuxième printemps que nous vivons en ce moment augure pour tous d’une deuxième chance de bien faire dans la vie. N’en restez pas aux bonnes résolutions. Faites ce qu’il faut.

2/ Suite à la brutale chute des audiences, les aventures de Captain Poêle à Frire ont failli se terminer prématurément. Notre producteur a toutefois accepté de prolonger la série à condition d’y inclure davantage de scènes de sexe et de violence. Si par conséquent vous avez moins de 12 ans, sachez que c’est mal de continuer à lire mes âneries. D’ailleurs qu’est-ce que vous foutez là ?

3/ Au dernier épisode, nous avions laissé John Smith découvrir sa panoplie de Captain Poele à Frire (en ce moment, c’est Noël pour tout le monde) dans la base secrète de l’excentrique Charles-Edward Tefoll. C’est là, dans le sous-sol du métro parisien, que lui fut également présenté son futur instructeur : Maitre Chow Mein, alias Wok Man. Cf. ici : http://paris.croisedanslemetro.com/annonce/20784/

Suite :

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Le petit serviteur entra dans le salon, apportant sur un plateau un charmant service à thé en porcelaine de Sèvres assorti de quelques scones à la crème épaisse. Après avoir délicatement déposé son fardeau sur la table basse, il se planta, droit comme un piquet, en face de notre jeune héros, qu’il dévisagea froidement ainsi qu’il est d’usage en Chine lorsqu’on rencontre un inconnu.

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Monsieur Chow était un petit bonhomme au visage rond et aux yeux morts. Ce qui lui restait de cheveux, sur un crâne luisant, évoquait la carte des continents. L’océan Atlantique y semblait juste un peu plus grand. Petit de taille et large de corpulence, il se dégageait néanmoins de son apparence une impression de calme puissance. « 阳光手», grogna-t-il sèchement. « Toi sentir mon Qi » ? Puis, se retournant vers lord Tefoll : « C’est lui ?

— En effet, mon cher. Je vous présente notre nouvelle recrue : John Smith … Alors ? Qu’en dites-vous ? En combien de temps pensez-vous pouvoir nous le préparer ?

— Lui de colonne, c’est trop molle. Jambe fatiguée. Regard pas de Qi, teint couleur terre, langue pâle et gonflée. Comme arbre sans racine. Pas de force, pas de Qi.

— Gosh ! Tout cela n’est pas très encourageant, mon brave … Vous allez quand même nous l’arranger un petit peu, n’est-ce pas ? ».

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Chow se contenta de répondre par un soupir marqué, secouant la tête d’un air désolé. Pendant un long moment, on n’entendit plus à travers la pièce que le crépitement sourd des braises dans le foyer et le tic tac monotone de l’antique horloge qui trônait à ses côtés. Tefoll se servit une tasse de thé. Après en avoir savouré une gorgée, il reprit : « Well, well, well. Dans ce cas, je propose que nous ne perdions pas de temps. Emmenez donc Smith au gymnase, et commencez le programme dès maintenant. Si vous en faites un combattant passable, ce sera déjà suffisant. Nous allons avoir besoin de lui très prochainement pour mettre un terme aux agissements dévoyés de mon neveu dégénéré ».

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Le petit majordome s’exécuta en bougonnant et invita notre héros à le suivre à travers un dédale de couloirs aux murs ovales, jusqu’à une vaste pièce au sol garni de tatamis et aux murs tapissés de paravents de papier ajouré. Chow, toujours aussi peu amène, tança un instant Smith avant de l’interroger sèchement : « Tu connais le kung fu ?

— Euh … Eh bien, j’ai regardé plusieurs fois « Il était une fois en Chine », « Drunken Master » et « Iron Monkey » aussi. Alors, oui, je crois que je vois à peu près ce que c’est.

— Moi pas demander si toi aller au cinéma. Moi demander si toi connaitre. Comprendre pas comprendre ? Toi déjà pratiquer arts martiaux ?

— Comment dire ? J’ai déjà fait un peu de yoga …

— Yoga ? » coupa Chow, avec un air surpris. « Toi Dhalsim ? Lancer boules de feu ? Yoga fire » ! Le petit homme mima un geste ridicule de ses petits bras potelés, avant de reprendre sur le ton de la dérision. « Allonger bras et pieds aussi ? Sauter au ralenti ?

— Non, non. Je faisais du Yoga Iyengar, pas du Vikram. On ne lance pas de boules de feu en Yoga Iyengar. On travaille dans un esprit de non-violence. Ahimsa !

— Ici, non-violence, c’est oublier ! D’accord ? Yoga ? Oublier ! Toi maintenant fermer bouche et imiter moi. Quand moi arrêter, toi continuer. Si toi arrêter, moi frapper. Si toi mal imiter, moi frapper. Si toi pas content, moi frapper aussi. Clair ? Ouvrir yeux. Regarder. Puis faire ».

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Chow se mit à gesticuler confusément, dressant le poing au ciel puis tapant du pied au sol. John n’eut plus qu’à singer comme il le pouvait les gestes de son professeur. Le vieil homme ne lui laissait pas une minute de repos. Lorsque, par malheur, il s’arrêtait un instant pour souffler, les coups de baguette aussitôt pleuvaient sur ses mollets. Après trois heures d’entrainement, la pause fut accueillie avec soulagement. Le corps en sueur et les muscles endoloris, Smith se précipita vers les toilettes pour y engloutir quelques litres d’eau d’une seule traite. Quand il revint dans la salle, Chow fumait tranquillement le contenu d’une longue pipe, installé sur l’unique fauteuil du gymnase : « Fatigué ?

— Un peu, oui.

— Peuh ! Toi femmelette ! Nous à peine terminé échauffement ! Maintenant seulement c’est commencer entrainement. Aujourd’hui, moi apprendre toi début de 工字伏虎拳! Lever fesses et travailler un peu ! ».

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Et le calvaire de reprendre pour 5 heures de plus de moulinets dans le vide. La journée ne s’acheva que lorsque John Smith, livide et aussi déshydraté qu’un raisin de Corinthe, s’effondra sur les tatamis, les jambes tremblantes, incapable de poursuivre.

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Un large sourire, inespéré, illumina soudain le visage de Chow Mein. Tapotant affectueusement de sa paume caleuse la calvitie naissante de son élève, il lui glissa avec douceur : « Bien ! Toi aujourd’hui bien travailler. 孺子可教矣 ! Maintenant, repos. Bien dormir. Demain reprendre à cinq heures du matin ». Après quoi, le petit homme quitta le gymnase, en verrouilla l’entrée de l’extérieur avant de lancer à travers la porte une dernière pique narquoise : « Maintenant, toi pouvoir faire Yoga. Yoga très bon pour étirements ! Sinon courbatures. Bonne nuit » !

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En fait de bonne nuit, notre héros passa évidemment son temps à tourner et virer à même le sol, les paumes en feu, dans un état d’excitation mêlée d’épuisement. Lorsque son maitre revint enfin au petit matin, le programme d’exercice reprit à l’identique. Et ainsi, séquestré au fond d’un gymnase souterrain pendant des jours et des semaines, notre brave aventurier étudia l’intégralité des systèmes du « tigre et de la grue », des « huit extrémités », des « six harmonies », des « huit trigrammes » ainsi que de la « mante religieuse des sept étoiles ». Loin de la lumière du jour, le temps filait insensiblement.

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Un beau matin, John Smith se réveilla avec deux énormes poêles à frire fixées à chaque bras par du ruban adhésif extra-fort, les mains prisonnières de moufles, de celles qu’on utilise pour sortir les plats chauds du four.

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Chow se tenait courbé au-dessus de lui. « Aujourd’hui, 24 février ! Joyeux anniversaire, John Smith ! Cadeau : moi apprendre toi à utiliser armes pour combat. Comme ça, toi pouvoir devenir Captain Poêle à Frire. Maintenant debout et montrer moi comment faire enchainement Dai Fan Che avec poêle aux bras » !

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Après 3 mois passés en sous-sol à faire les quatre volontés d’un cuisinier sadique, Smith avait perdu toute notion de libre arbitre. Il s’exécuta sans discuter. L’enchainement qu’on lui demandait d’exécuter comprenait force rotations et mouvements de balancier. Avec ces deux poids fixés aux membres, le moindre geste lui déboitait les articulations. Et au plus petit écart, les deux poêles s’entrechoquaient avec fracas, déséquilibrant la posture du pratiquant. C’était un enfer. Mais à force d’efforts, il fut bientôt capable d’exécuter n’importe quel enchainement avec des poêles fixées aux bras. En revanche, l’apprenti souffrait horriblement : « Sifu [ainsi appelait-il son instructeur], je n’en peux plus. Mes poignets sont en miettes. Je ne peux plus faire un geste sans sentir comme une lame de couteau qui les transperce. Avec ce handicap, c’est à peine si je peux encore avoir une vie sexuelle normale.

— 男兒當自強 ! Un homme doit se renforcer les poignets s’il veut devenir un héros.

— Mais cela fait déjà des mois que je m’entraine ! Je suis devenu capable d’attraper les mouches avec la langue et de tracter des lingots de plomb avec mes parties. Ne suis-je pas prêt à jouer mon rôle ? Depuis décembre, je n’ai pas revu une seule fois la lumière du jour ! Mon corps est en carence de vitamine D. Je dépéris à vue d’œil. Ne puis-je enfin sortir ? Ou au moins prendre un peu de vacances ? Mon employeur … mes parents … Ils doivent se demander ce que je deviens depuis tout ce temps … Je le vois déjà, fous d’inquiétude …

— Mei shir ! Mei shir ! Wenti bu da ! Monsieur Tefoll leur a dit que vous étiez mort. Ils ne se font pas de souci !

— Que j’étais mort ?

— Dui a ! Mort. John Smith kaput ! Toi pas t’inquiéter. Nous expliquer personnellement à tes parents que tout le monde meurt un jour. Eux comprendre.

— Oh mon dieu ! Vous n’avez pas fait ça, quand même ? Et Cindy ?

— Cindy ?

— Oui, Cindy. Ma bien-aimée. Ma douce et tendre.

— Aaaah … Cindy pas triste. Cindy très heureuse avec Ivan Nicolaievitch. Entre eux, beaucoup amour. Changer les draps tous les jours.

— Comment ?!!!

— Oui. Tous les soirs voisins dormir avec boule Quiès. Eux bientôt avoir beaux bébés joufflus. Ça, sur certain !

— Laissez-moi sortir ! Laissez-moi sortir TOUT DE SUITE !

— Non. Toi pas prêt …

TU VAS VOIR SI JE SUIS PAS PRÊT, VIEILLE RACAILLE HEPATIQUE » ! Et John Smith de balancer sa poêle au visage du vieux maitre, qui l’esquiva lestement, avant de répliquer d’une frappe de sa longue pipe en bambou.

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Les deux hommes échangèrent ainsi une vingtaine d’horions sans pouvoir se départager. C’est alors que Smith avisa que le cuisinier avec levé trop haut sa garde. Feintant une attaque au visage, son poing bifurqua brusquement vers le bas pour aller s’enfoncer dans le bas ventre du vieux maitre. Ce dernier n’eut que le temps de bander les muscles pour encaisser le choc. Mais, déstabilisé, il n’anticipa pas le « coup de pied des canards mandarins » qui suivait de près le poing. Crachant au sol sa dernière dent, il s’exclama dans un sourire sanglant : « HAO ! HAO ! Toi prêt ! Aller annoncer bonne nouvelle à Monsieur Tefoll. Lui avoir mission pour toi. Lumière du jour, bientôt tu vas voir. Toi connaitre enfin la gloire comme oiseau Peng qui s’envole » !

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Pour savoir quelle mission attendait John Smith, et comment pour la première fois il fit justice, il vous faudra toutefois attendre l’épisode suivant. Pour voir des “sycophantes” aussi, désolé.

    Détails

  • REReà Haussmann — Saint-Lazare.
  • Une rencontre faite le 23 décembre 2015.
  • Rédigé par un apollon pour une femelle.
  • Publié le mercredi 23 décembre.