Épiphanie

Ligne 4, la station dessous la Seine, au cœur de toutes les confluences lutéciennes, médiane névralgique où se rencontrent les quatre points cardinaux.

Après quelques houblonnades bues sans réelle joie avec des amis, je descends la longue volée de marches qui me fait toujours penser, allez savoir pourquoi, à Jules Verne. Tu es déjà sur le quai, à quelques mètres de moi. Je te dis tu, hein, puisque je suis certain que tu ne me liras pas et ne t’offusqueras pas de ce tutoiement de désœuvrement. Je te mire, tout éberluée, toi le joli brin de femme, que les verres avec tes copines ont plus égayé que moi. Tu souriais si joliment, d’un sourire qui ne donne pas d’idée, qui fait juste comprendre le sens du verbe “contempler”. Ton manteau patchwork, ta grosse écharpe en laine, les collants bleu pétrole qui jaillissent de tes bottes, tout t’allait à ravir, comme si le prêt-à-porter était à ta mesure.

Je ne sais pas si tu m’as vu, moi le petit vibrion à costume. Je sais juste que ta furtive apparition et ta soudaine disparition (poursuit-on quelqu’un qu’on a entrevu ?) m’a recuit dans un bain de tendresse et a suspendu quelques instants le vol de mon esprit vénéneux…

Le poncif de la bouteille à la mer est bien éculé et a vécu. Mais sur le rivage, Kafka confie tout de même son message aux tuyaux du grand réseau, qui sait ?

    Détails

  • Métro4à Cité.
  • Une rencontre faite le 9 février 2016.
  • Rédigé par un homme pour une femme.
  • Publié le mercredi 10 février.