Complainte d’un meuble très sensible

30 juin 2016

Il fait chaud aujourd’hui … Non pas à cause du soleil qui tape à travers les baies vitrées de mon tristement célèbre métro n°6 qui se fait incessamment chambrer par tous ses homologues longilignes pour ne pas être équipé d’une clim’, mais plutôt d’un chauffage réglé sur 30 même en été.

Non, la chaleur ne vient pas de ça.

C’est plutôt cette montagne qui, bien qu’ayant eu la gentillesse de me déplier et de laisser par là à mon dos l’occasion de s’étirer, m’a complètement écrasé sur 17 stations. Les gens autour de moi semblent appeler ça des “fesses”, “boule”, “uc” ou que sais-je. M’enfin, je ne comprends pas trop leur langue. Ou du moins, je ne sais pas la parler.

Ce qui est sûr, c’est que peu importe d’où l’on vient et où l’on va, on aura toujours des gens qui ne voient que ce qui les arrange.

Moi, vous savez, je ne vais pas bien loin: Mon aventure se résume à traverser tunnels, ponts et couloirs sombres de jour comme de nuit, sans jamais changer de rame. Je suis casanier dans mon genre, vous savez. Mais ce n’est pas toujours par choix.

De temps en temps, je suis très content. Des gens me laissent tranquilles et ne me cassent pas le dos. Ils restent debout contre moi, avec suffisamment de délicatesse pour continuer à me laisser roupiller.

Certains, probablement ennuyés par la durée du trajet, se mettent à me caresser nerveusement. J’aime beaucoup les caresses, même si je ne vous le fais pas savoir: des grosses paluches douces ou petites mimines à ongles. Surtout continuez comme ça, mais ne m’arrachez pas la peau hein! Ca a beau être du tissu, il reste épidermique et c’est le mien!

Là où je suis davantage embêté, c’est lorsque les diablotins qui servent de rejetons à vous autres me cognent inlassablement avec chaussures et autres objets qui font leur bonheur quotidien de jeunes zélés, me salissant ainsi et ravageant mes flancs engourdis par l’âge et le manque d’entretien.

Honte à vous, âmes juvéniles que la société qualifie d’innocents! Mon corps peut témoigner!

Et vous donc là! Oui vous ici, avec votre bouteille de liquide encore plus infecte que le détergeant de Monsieur Roger lorsqu’il me nettoie une fois par an! Bière, Sodas, Huile de friture, que sais-je! Epargnez-moi vos boissons au contact desquelles ma peau fait maintes allergies tissulaires et s’imprègne à jamais d’une texture douteuse ainsi que d’une odeur latente qui jamais ne se dissipe!

Au final, que vous soyiez d’ici, ou d’ailleurs, grand, petit, accro au soda, aux chips, ou à l’alcool … je vous en conjure. Rappelez-vous que même dans les pires moments, celui qui doit renifler votre entrefesse, c’est moi.

Cordialement,

Strapontin n°422-597-2C, Wagon 3, Rame 5255, le premier à droite quand on rentre depuis la porte du milieu.