Contre l’indifférence générale

Il est tard, nous sommes mardi soir. Je rentre d’un diner.

On me propose de rentrer en voiture mais ne voulant pas obliger mon interlocuteur à traverser tout Paris alors que demain il a une réunion et doit se lever tôt.

Arrivée au changement de la ligne 2, je rate la correspondance pour Levallois. Me retrouvant seule sur le quai de la 3, direction Levallois. Seule - non avec un homme. Un homme qui a trop bu, et commence à me parler.

Me parler comme on ne parlerait jamais à une jeune femme de 22 ans, à coups de fantasmes sexuelles, et de questions intimes.

Je fixe le panneau indiquant les minutes avant le prochain train, en priant pour que l’horloge s’anime et se mette à clignoter, signalant une arrivée imminente. Que ce cauchemar psychologique prenne fin.

Et puis, je monte dans ce wagon rempli. Cherche une place où il y a le plus de monde, cherchant à me noyer dans la foule - manque de chance tout les manteaux sont noirs, marrons ou gris, le mien est orangé-rouge. Comble de la provocation : j’ai une chapka en fourrure marron.

Je m’assoie à un strapontin, à côté d’un jeune homme qui pianote sur son Nokia. Une seconde d’apaisement. Et puis celle d’après, l’homme est de nouveau face à moi, puant les vapeurs d’alcool. Je commence à avoir peur, il reste fixement face à moi, me parle de temps à autre, le wagon reste immobile, personne n’intervient. Pourtant tout le monde sait. Tout le monde a vu l’homme titubé, me chercher du regard. Mon voisin continue à pianoter son téléphone. Les autres passagers à miner un pseudo-intérêt pour la moue de leur voisin ou l’affiche 4x3 de la station de gare. Mais personne n’intervient. Pas de preux chevaliers.

C’est une jeune femme, qui s’est levé et est intervenu et m’a demandée à quelle station je descendais pour qu’on fasse le chemin ensemble. Nous sommes descendues; et je l’ai remercié profondément. Il a fallu d’une phrase. Une simple phrase, pour que je cesse d’être le fantôme de moi-même.

Alors à vous tous, qui n’osez pas déclarer votre flamme à une inconnue, à vous tous qui attendez que la magie opère de son propre chef, osez juste intervenir. Montrer que la situation n’est pas ignoré de tous.

Parce que s’il y a avait plus difficile à supporter que l’humiliation de se faire parler comme à une fille de petite vertu un soir d’hiver, c’est l’ignorance des gens autour. C’est sentir que sa vie n’a aucun prix pour autrui. Alors que peut-être dans un autre métro, un autre jour, j’aurai croisé le regard d’un jeune homme qui aurait caresser l’espoir de me parler et aurait lancer une bouteille à la mer sur ce site.

    Détails

  • Métro3à Villiers.
  • Une rencontre faite le 23 janvier 2013.
  • Rédigé par une femme pour un homme.
  • Publié le mercredi 23 janvier.