Mémoires

Je ne vous ai jamais vu. Je ne vous ai jamais entendu. Je ne vous ai jamais parlé. Je ne vous ai tout simplement pas connu. Et pourtant, vous me manquez. Je lis quotidiennement l’histoire de vos vies affreusement écourtée. Je serre les dents à la lecture de ce que vous avez accompli. J’ai le cœur démoli face à l’énumération des proches, enfants, femmes ou enfants à qui, l’ignorance et la tyrannie vous ont sauvagement arraché. Et mes larmes commencent à affluer à la description de vos personnalités géniales, vivantes, heureuses, passionnantes, humaines, souvent généreuses. Vous étiez tous généralement un peu de tout ce que j’aimerais être. Vous aviez des vies que j’aurais volontiers enviées. Et dire que j’aurais pu être vos compagnons d’infortune. Et c’est sans doute cela, qui m’achève. Vous aviez déjà tous construit de si belles vies, pourtant si courtes. Et j’aurais tant donné pour entendre vos histoires de vos voix, rocailleuses de fumeurs, stridentes de filles tendres, encore fragiles de jeunes hommes, plutôt que de lire avec effroi des « The End » injustement prématurés. Alors désormais, j’essaye de vivre intensément chaque jour, de profiter de chaque seconde que vous méritiez tout autant que moi, si ce n’est davantage. Et pourtant, même en faisant de mon mieux, je n’ai pas l’impression de vivre aussi intensément que vous le faisiez. Croyez-moi, je m’y efforce. Mais une partie de mon innocence s’est envolée avec vous ce 13 Novembre 2015. Une partie de ma jeunesse s’est brisée contre les récits de vos décès, contre la réalité d’un monde que je hais tant, tout l’aimant si fort. Vous n’étiez rien pour moi, et mais aujourd’hui je vous sens si profondément dans mon cœur.

J’espère que vous reposez quelque part en paix, dans un endroit à la hauteur de l’accomplissement de vos vies sur terre. J’aimerais que vous puissiez tout de même voir tout ce que vos proches accomplissent en vos mémoires. Je désire que vous puissiez constater que nous sommes en train de construire un monde meilleur en votre honneur. Enfin, ce que je souhaites par dessus tout, c’est entendre de belles histoires actuelles, similaires à ce qu’étaient vos vies. Car tant que j’entendrais les récits de ces succès, c’est que ma jeunesse, mes espoirs et ceux de ma génération ne sont pas morts en même temps que vous.

J’irais déposer cette lettre, manuscrite, demain soir, là où vous êtes tombés parce que vous étiez amoureux, joviaux, malicieux, taquins et particulièrement libres.

    Détails

  • Métro5à Oberkampf.
  • Une rencontre faite le 13 novembre 2015.
  • Rédigé par un homme pour une princesse.
  • Publié le dimanche 29 novembre.