The Incredible Captain Poele à Frire - part 1

Gentes dame et gentils damoiseaux, qui souvent me voyez dans les allées du métro. Laissez-moi vous révéler pourquoi, en dépit de vos charmants rubans, je ne vous rends jamais que regards blancs.

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Laissez-moi vous conter la triste et terrible histoire de Captain Poêle à Frire et de son redoutable ennemi, le diabolique Ivan Nicolaievitch Spontexx. Nous ne t’oublierons jamais, mon ami, et pour toujours, dans les limbes du Web, ton renom vivra. Ce soir, je pendrai une poêle à mon huis pour honorer ta mémoire.

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Premier Livre : « Un grand retard implique de grandes responsabilités ».

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Il va sans dire que tout ce qui suit est véridiquement vrai :

C’était un soir d’été. J’attendais mon RER sur le quai de Nation, sous les derniers rayons du soleil caressant l’horizon. Suite à un nouvel incident aux installations, le trafic fut interrompu. J’y étais accoutumé, en bon et loyal « usager ». Je décidais donc de regagner mon logis à pied. La chose était jouable, car j’habitais justement ici. Mais alors que je cheminais tranquillement vers la sortie, une voix virile et forte me héla puissamment : « Cesse de fuir, Doktor Mendigott ! Tu es fait ! Je te tiens enfin. Cette fois, c’en est fini de tes méfaits ».

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J’eus à peine le temps de me retourner que, dans un grand « glong’ » métallique, un objet contondant vint me frapper en plein front, et je chus dans la nuit.

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Lorsque je m’éveillais, je gisais sur le sol crasseux de la station. Un gaillard aux sourcils élancés, était penché sur moi, et me baffait les joues avec la dernière énergie, dans l’idée, sans doute, de me ramener à la vie. « Oh, vraiment je suis confus. Avec votre cape noire et votre étui à violon, je vous ai pris pour un autre. Pardonnez-moi si je vous ai frappé. Je suis un peu sur les nerfs en ce moment. Ma femme m’a quitté. Ou plutôt, elle ne m’a pas rejoint. Enfin … je me comprends ! Je suis tellement confus. Acceptez, je vous prie que je vous offre un café en guise de dédommagement ».

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L’homme brandissait d’une main fébrile une large poêle à frire dont je devinais à la tranche maculée de sang qu’elle n’était pas indifférente à mon état présent. N’avisant aucun vigile de la RATP dans les environs, je jugeais d’abord plus prudent de répondre positivement à l’invitation.

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M’aidant à me redresser, il me traina en titubant jusqu’au stand « Bonne Journée » pour me payer un café. « Chouette votre tatouage ! », me dit le vendeur en pointant mon front. J’acquiesçais. J’avais mieux à faire que palabrer. En dépit de ma gorge serrée, il me fallait absolument engloutir en vitesse le contenu de ma tasse, mais avec le naturel et la distinction qui convient pour ne pas davantage fâcher mon hôte. Mais alors que je ne m’y attendais pas, mon agresseur fondit en larmes dans mes bras.

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Désarçonné par cet imprévu, et touché par son sincère désespoir, je le priais d’abord par compassion, et ensuite par curiosité, de me révéler sa terrible histoire. C’est ainsi que je fis la connaissance, après l’avoir d’abord perdue, de celui dont la postérité oublierait le nom, mais retiendrait les hauts-faits : Captain Poêle à Frire, le « Vengeur de la 14 ». Accessoirement, entre les tâches de sang et de café, ma belle chemise Krenzo était foutue …

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Livre II : « Parce que les commuters sont capables de grandeur »

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John Burlador Smith Jr. Ainsi s’appelait notre homme.

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A l’origine, c’était un type comme vous et moi, avec des aspirations et des goûts simples : il aimait le koto, la poésie de Du Fu et les soupes de nouilles au tofu séché. L’homme menait son petit train-train, cahin caha, trainant vainement sa carcasse d’une station à l’autre du métro, jour après jour, année après année. Plutôt malingre et endormi, rien ne le prédisposait à devenir un justicier. Rien, si ce n’est un célibat inutilement prolongé. J’imagine qu’il avait les crocs, en fait.

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En ce temps-là, il faut savoir qu’une demoiselle nommée Cindy (je ne révélerai pas son nom véritable) travaillait comme vendeuse au Pleintemps (un grand magasin qui ne fait pas dans le temps partiel). Elle n’avait guère que 20 ans. Lumineuse, elle officiait au stand des produits ménagers, vêtue d’un joli tee-shirt couverts d’idéogrammes calligraphiés. Un poème de Du Fu …

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Lorsqu’il la vit, John sut que c’était elle. Et elle sut que c’était lui … Je veux dire : son prochain client. De fait, il lui acheta tout un jeu de casseroles, quoiqu’il n’eut guère de lieu où les stocker dans son petit appartement. A Paris, à moins d’être vieux et riche, on n’a pas beaucoup d’espace. Et John, lui, n’était que vieux. Enfin pour une fille de 20 ans.

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Il revint encore et encore. Tantôt pour acheter une lame en céramique, tantôt pour prendre un jeu d’assiettes, tantôt pour commander des couverts en argent. Je crois que ce fut bien le seul client à prendre la peine de donner des pourboires à une vendeuse du Pleintemps ! Et son domicile devint un véritable musée des arts de la table.

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Cindy ne tarda pas à être nommé « vendeuse de l’année ». Elle eut même droit à sa photo dans l’entrée. Et notre pauvre garçon de soupirer. Et de soupirer … Car à la vérité, il le sentait bien : il n’était rien pour elle. Absolument rien.

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Et il voyait tous ces petits gars, qui lui tournaient autour. Et elle qui leur souriait, et plaisantait gaiement, entre deux cigarettes mentholées. Pfff … Mais qu’est-ce qu’elle pouvait bien trouver à tous ces types dont la mine patibulaire rendait pourtant si bien le côté désert ? P#tain ! Mais ils ne connaissaient même pas Du Fu, ces c#ns (il est vrai qu’il y a bien longtemps qu’il a déserté le petit écran). Quand ils fixaient son tee-shirt, la seule pensée qui leur venait, c’était de le lui arracher. Mais merde ! Chūshí wèi jié shēn xiān sǐ / Chāng shǐ yīngxióng lèi mǎn jīn ! C’est quand même de la belle poésie ! Ça se respecte. Ouais ! John Smith aimait une femme pour son tee-shirt. Et pour cela, ça vie allait basculer dans l’horreur, par un soir de décembre 2014.

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Alors qu’il se rendait au magasin pour acheter sa nouvelle poêle à frire, il avisa une grosse voiture de sport rouge garée dans l’entrée. Damned ! Ce devait être le chef de chantier. Un rival. Beau gosse, jeune et fringant, le menton carré. Il aimait les grosses cylindrées, boire des bières devant un match de foot, et pécho des meufs en discothèque. Rien que d’imaginer que ce gros lourd, peut-être, roulait des pelles à “sa” Cindy lui développait des ulcères de dégoût. Mais après avoir contrôlé l’ébauche d’un reflux, Smith s’engagea bravement sur l’escalator pour aller chercher son ustensile de cuisine, la mort dans l’âme.

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Bizarrement, il croisa alors beaucoup de gens, qui courraient en sens inverse en hurlant. Mais que se passait-il donc, au cinquième étage du magasin ?

Pour connaitre la suite … lire la suite !

Ici : http://paris.croisedanslemetro.com/annonce/20681/

    Détails

  • REReà Haussmann — Saint-Lazare.
  • Une rencontre faite le 8 décembre 2015.
  • Rédigé par un homme pour une femme.
  • Publié le mardi 8 décembre.