A quoi ça avance, les “pas de chance, c’est la vie” ?

A tous et à toutes, il y en a marre de la déprime. C’est un grand déprimé qui vous le dit.

Ces derniers temps, je vois beaucoup de messages du type : “on s’est manqués”, “on n’a pas eu nôtre chance”, “je n’arrive pas à oublier, à faire le deuil”, etc. Et le tout de se terminer dans un soupir de tristesse et de résignation. A quoi bon ?

C’est vrai : Une rencontre, c’est rare. Tellement rare, en fait, que la plupart du temps, on la vit tout seul dans son coin. L’autre n’est pas toujours prêt, pas toujours d’accord, n’est pas sûr de lui, veut simplement “s’amuser”, ou pire encore, “vivre d’autres expériences” (comme si on se trouvait plus riche à vivre dans l’inconstance !).

Parfois on aime comme Tristan et Iseult quelqu’un qui “aime” comme Casanova et Messaline. Parfois on en rage aussi, de paraitre invisible à celui ou celle qu’on brûle d’aimer. Il arrive, malgré tout, qu’on soit deux à s’aimer, sur la même longueur d’ondes. Et néanmoins, un incident, un quiproquo dérisoire, enclenche un engrenage qui amènera à se séparer, presque malgré soi.

Alors c’est vrai. Il est difficile d’oublier. Difficile de calmer la tempête dont nos cœurs sont agités. On avance, on recule, mais finalement on ne va nulle part. On médit, on maudit ou au contraire on encense l’idéal. Quand on ne fait pas les deux à la fois … Mais ça ne change rien. Le mal est fait. Il apparait insurmontable. On voudrait pouvoir remonter le temps pour vivre les chose différemment, essayer d’autres pistes. Vaine espérance.

De qui est on victime exactement ? De l’Autre, cet(te) inconnu(e) ? De soi-même (des ses erreurs, de ses passions, de son inadaptation) ?

Qu’espère t-on en décrivant sa résignation ?

- “Faire le deuil” ??? Sans blague ! En laissant une trace de ce qu’on voudrait que le temps efface ? En remuant le couteau dans une plaie évidemment béante ?

- Faire réagir l’auteur supposé de nos tourments ? Croyez-vous sincèrement que dans la foule, la personne en question se reconnaitra dans un message de trois lignes ? A supposer que ce soit le cas, qu’est-ce que cela peut changer ? S’il se souciait sincèrement de vos blessures, quel besoin aurait-il de lire vos messages ? Les gens qui aiment n’ont pas besoin qu’on leur dise pour compatir. Il le font spontanément. Quant aux narcissiques, cela ne fera qu’accroitre leur plaisir, tel autant de Lucrèce se réjouissant depuis la terre du spectacle des navires en perdition. Quant au gars ou la fille que vous avez vexé, et qui depuis cherche à vous le rendre, il sabrera le champagne au spectacle de vos tourments.

Qu’espère t-on au juste par ces écrits, souvent sibyllins ?

J’ai lu quelque part la chose suivante. Je vous invite à la méditer mieux que je ne le fis moi-même :

“S’il y a un remède, à quoi bon se lamenter ?

Et s’il n’y en a pas, à quoi bon se lamenter aussi ?”

Ne dites plus “c’est la vie”. La vie, c’est vous, c’est lui (ou elle).

Ne dites plus “le monde est mal fait”. Le monde est tel que nous le faisons.

Il vous manque ? Elle vous manque ? Dites le lui.

Il se fout de votre gueule ? Elle vous humilie ? Dites le lui.

Vous êtes en son pouvoir, sous sa domination ? Arrêtez de lui trouver des excuses ! S’il vous avait respecté(e), il aurait fait en sorte de vous le faire comprendre sans vous laisser sous son emprise. L’être que vous aimez est ici vôtre ennemi. Peut-être que c’est vous qui l’y avez induit. Et alors ? Qu’est-ce que ça change ? Si vous êtes responsable, excusez-vous, c’est pas si compliqué. Et si vous ne l’êtes pas - ou qu’il refuse vos excuses - c’est que c’est lui ou elle qui a dépassé les limites.

La “chance”, c’est nous qui en décidons. Les baffes qu’on prend devraient nous permettre d’avancer, plutôt que de nous enfoncer dans le ressassement de nos échecs. A la limite, si vous voulez dire quelque chose à l’être qui vous a déçu, déclarez lui plutôt la guerre. Ce sera toujours mieux que de vous poser en victime. Au moins, vous serez en vos cœurs seuls responsables et maitres de vos tourments. A tout prendre, mieux vaut être l’otage de sa propre colère, que de l’amour d’un étranger hostile qui va vous fermer au reste du monde aussi longtemps que vous l’adulerez.

La guerre,de fait, il / elle la mérite probablement. Je m’explique :

Si vous en êtes là, plongés dans l’abattement, c’est que vous avez épuisé toutes les pistes d’apaisement. Ce n’est pas le cas ? Alors qu’attendez vous pour demander une entrevue ou faire un geste ? Arrêtez de réfléchir au “comment faire” au “comment dire” et faites le simplement ! Qu’est-ce que ça coûte de dire “ça suffit : on ne peut pas continuer comme ça” ? Qu’est-ce qui vous dit que son propre manque de courage ne l’empêche pas de son côté de faire ce petit pas vers la conciliation ?

Arrêtez de vous regarder de part et d’autre de la tranchée. Montez au front, que ce soit avec des fleurs ou avec des canons !

Mais si vraiment vous avez exploré toutes les solutions. Si même l’amitié ou la neutralité bienveillante vous a été refusée, si l’obstination ne l’a pas cédé à la compassion, si l’autre refuse tout dialogue et vous traite comme un étranger, n’est-ce pas qu’il vous traite d’ores et déjà en ennemi ?

A t-il “raison” ? A t-il tort ? Quelle importance ? Combien de siècles allez-vous tolérer que votre égal vous piétine ? Car aussi haut que vous le portiez, il vous est fondamentalement égal en dignité. C’est un être humain. Tout comme vous. Quel droit cela lui donne t-il à vous torturer ? Il n’y a pas d’excuses à traiter un humain comme moins qu’un humain. A traiter un adulte comme un enfant.

On vous frappe. Tendez la joue droite. On vous refrappe. Tendez la joue gauche. On vous re-re-frappe. Que vous reste t-il à tendre ? Vient un moment où les méfaits exigent rétribution. Pas de pitié pour ceux qui persévèrent dans la méchanceté. “Mais ce n’est pas correct” ! Posez vous la question, ou mieux, posez la à un tiers qui n’a pas vos faiblesses : cet être que vous aimez encore et malgré tout a t-il été correct, lui ? Si la réponse est non, et plus d’une fois fois non, il n’y a pas à tergiverser. A son tour d’avoir ce qu’il mérite.

Vous voulez pleurer ? Il sera bien assez temps de le faire quand vous vous serez rendu justice.

Croyez moi. Il peut y avoir du bon à jouer les Heathcliff.

On vit beaucoup mieux quand on accepte de haïr les actes qui le méritent. Et l’acte de vous faire souffrir, non pas un instant, mais toute une vie, en est un. Pardonnez l’homme / la femme, si vous le voulez, mais haïssez sa faute, puisqu’il l’a confirmée. Pas de pitié. Au moins vous aurez une raison de continuer à vivre. Alors qu’en soupirant, vous glisserez lentement dans la consomption. Je l’ai vécu moi-même. Les cheveux blancs, qui surviennent avant leur temps. La balance qui plonge vers le néant. N’attendez pas d’en arriver là pour réagir.

Comme le disait un mien professeur, le “péché” (pour ceux qui y croient), “c’est quand l’homme oublie qu’il est un prince”. La phrase fonctionne aussi au féminin. Ne laissez jamais personne vous dépouiller de votre dignité. C’est contre l’humanité entière que fautent ceux qui la piétinent. Ne les pardonnez pas aussi longtemps qu’ils ne vous le demandent pas. Soyez fermes. Indignez-vous !

    Détails

  • RERaà Nation.
  • Une rencontre faite le 22 décembre 2015.
  • Rédigé par une juliette pour une femme.
  • Publié le mardi 22 décembre.