Mission impossible

Clairement, je viens coucher sur l’écran mes émotions, horribles émotions qu’il me faut évacuer, ce matin, afin de faire face à la journée de travail qui m’attend.

Je l’ai revu, cet homme, contre toute attente deux fois ce mois-ci, après un an sans “nouvelle”. La deuxième fois est très récente, ce matin, sur le quai au KB. Comme par le passé, ma mission était impossible. A peine mes yeux posés sur lui, je détourne le regard, me réfugiant dans mes écouteurs, m’isolant ainsi du monde. Mais, cette fois, le jeune homme s’en est allé de l’autre côté, enfin je ne peux que le supposer, je n’ai relevé les yeux qu’une fois bien calée contre la paroi vitrée de la rame, au fond, recherchant ainsi un “soutien” physique à ce que je croyais revivre, la scène du passé, celle d’il y a un an, ma mission impossible. Je l’ai cherché partout, allant me demander s’il n’avait été qu’un mirage, et moi une femme tombant dans la folie. Mais il avait disparu.

Je suis descendue à Place d’Italie, promenant mon regard en tout coin et recoin du métro afin de l’apercevoir, et de me rassurer par la même occasion sur la réalité de ma vision. Il était au loin, tout au fond du couloir. J’ai hâté le pas afin de le suivre et je l’ai laissé à regret se diriger vers la ligne 6, avec la démarche inconfortable de celui qui souffre.

Ma mission est simple pourtant. Soutenir son regard, tirer les zygomatiques et espérer une parole de sa part. Un « bonjour », une entrée en contact, bref faire connaissance, ni plus ni moins. Et enfin faire cesser ce fantasme, cet imaginaire envahissant et laisser la réalité faire son œuvre.

Mais j’en suis tout simplement incapable. Mon cœur a bondit dans une poitrine trop serrée. Mon corps s’est paralysé. La trouille s’est emparée de moi. Et c’est insupportable de ne pouvoir tout simplement échanger quelques mots et sourires avec lui. Je me sens tiraillée entre curiosité, désir, fantasme, espoir et la peur, la raison, la morale, et un enjeu qui n’a pas lieu d’être.

Le temps où je pouvais l’admirer en secret, discrètement, était si doux à vivre. Je lui en veux presque d’avoir à son tour posé les yeux sur moi. Et maintenant… que vais-je faire… ?