Condisciple disparue

En mémoire d’une jeune femme que j’eus aimé, si seulement elle m’avait laisse l’opportunité de le faire. Voilà longtemps, que je ne la croise plus. Elle me manque, mais je n’y peux rien car il semble que je ne la reverrai plus.

Ainsi va la vie, tel un ciel orageux qui tantôt se déchire pour laisser paraitre un doigt de lumière que des vents capricieux se chargent bientôt de disperser et de ravir à notre vue.

Mon rayon de lumière, ce fut-elle. C’est ainsi qu’elle m’apparut.

C’était par un soir de septembre. Revenu des confins de la terre après un long voyage, je retrouvais doucement le train train du métro parisien : son odeur caractéristique, ses clochards, ses musiciens mendiants et ses voyageurs fatigués. Fatigué, je ne tardais pas à l’être moi aussi. A Paris, c’est une maladie contagieuse m’a t-on dit.

Un an plus tôt, je m’étais inscrit à un cours de yoga. On est bobo ou on ne l’est pas ! Il me restait tout juste un cours à faire pour terminer mon “forfait”. Et comme je le disais plus haut, j’étais fatigué. J’étais donc fermement décidé à faire de ce cours le dernier. Après quoi je pourrais enfin retrouver la molle torpeur de mon foyer pour m’y reposer … Enfin.

Hélas, voilà qu’à ce dernier cours se présente la plus délicieuse demoiselle qu’il m’ait été donné de voir depuis des années. Elle s’installa immédiatement sur ma gauche. A cette vue, toute ma lassitude disparut et mon coeur fit un tel bond dans ma poitrine que j’eus peine à ne pas lever la tête pour en rechercher la trace sanglante au plafond.

Je me ressaisis. N’était-elle pas sensiblement plus jeune que moi ? Comment espérer seulement l’intéresser ? Je tâchais de me concentrer sur le déroulé du cours pour ne pas m’infliger davantage de souffrances inutiles. Le yoga y pourvoit, en général, bien assez comme ça.

Après quoi je rentrais chez moi résigné à oublier ce banal incident.

Mais contre toute attente, le souvenir des beaux yeux sombres de la belle me hanta toute la soirée. J’en étais réellement bouleversé. Plus que je ne l’avais imaginé. Comme c’est étrange !

Ainsi tourmenté, je décidais de me réinscrire à ces cours de yoga que naguère je comptais laisser tomber.

Semaine après semaine, je m’y rendis donc, endurant toutes sortes de fatigues dans toutes sortes de positions. Tout ça pour elle.

Je voulais sympathiser mais ne savais comment m’y prendre. Elle venait toujours accompagnée d’une parente, ce qui ne facilitait guère la tâche. Je tentais les échanges de banalités en fin de cours mais sans trop savoir comment enchainer.

Plus tard, j’optais pour l’attente dans le froid, dans l’espoir d’obtenir une occasion de parler à la demoiselle seul à seul. En vain : elle arrivait toujours en retard. J’en fus donc juste quitte pour une bonne grippe. Super !

Les mois succédant aux semaines, à la faveur des congés, la demoiselle cessa complètement de venir. La dernière fois que je la vis, elle s’enfonçait en compagnie de sa mère dans l’entrée du métro République.

Trois semaines ont passé depuis. Je suis devenu assez balaise en yoga … J’arrive même à faire quelques torsions. Yeaah !

Mais ce n’était pas ce que je voulais. Ce que je voulais, c’était faire la connaissance de cette jeune femme formidable et decouvrir petit à petit pourquoi elle avait produit sur moi un tel effet. Mais il semble maintenant que tout cela restera toujours pour moi un mystère.

Donc si vous m’en croyez messieurs, ne faites pas comme moi. Si vous tombez amoureux, envoyez au diable les convenances et dites le quoiqu’il en coûte. Devant la mère, le père et les amis de celle qui vous a ému, s’il n’y a pas moyen de faire autrement. Mais faites le. Ne perdez pas de temps, car la vie ne laisse pas de deuxième chance tandis que les occasions perdues, elles, comblent génereusement ceux qui les manquent d’une inépuisable dose de désespoir. Et le désespoir colle aux semelles comme un chewing abandonné sur le quai du RER. C’est un compagnon des plus fidèles. Même à ceux qui n’ont plus de bras il donne des ailes, qui hélas, sont de plomb. Alors bougez vous. Tentez tout, et surtout le plus stupide. Si les sales cons convolent tandis que de bravez types restent seuls, c’est que les cons, eux, osent tout. Alors soyez cons.

Et amis cons, de votre côté si vous pouviez faire l’autre moitié du chemin, et le devenir un peu moins, ce serait bien aussi.

Sur ce, je dis adieu à celle que je ne verrai plus, et retourne prendre la pluie sous mon ciel éternellement gris. L’amour, c’est pas pour moi, je crois.

    Détails

  • Métro3à République.
  • Une rencontre faite le 3 novembre 2016.
  • Rédigé par un homme pour une femme.
  • Publié le jeudi 3 novembre.