J’ai regardé tes mains un peu trop longtemps

Je me suis assis dans le métro sans trop regarder autour de moi et ai sorti un livre,il y avait quelqu’un avec une belle robe en face. J’ai mis plusieurs secondes avant de me décider à lever la tête, je n’ai pas osé regarder son visage, alors j’ai d’abord vu ses mains. Elles étaient belles et, sans savoir pourquoi, je les ai trouvées étranges, j’ai remarqué un tatouage au poignet. Puis j’ai vu son visage: elle avait le même genre de lunettes que moi et elle était belle. J’ai d’abord pensé à la tâche ridicule sur mon sweatshirt, puis j’ai essayé de recommencer à lire mais j’étais soudainement beaucoup trop absorbé par la question de ce à quoi je pouvais ressembler un Vendredi soir à minuit pour y arriver. J’ai réalisé que c’était une partie du livre que j’avais déjà lu. J’ai abandonné la lecture et je l’ai regardée à nouveau, elle enlevait ses lunettes et les mettait en vrac dans son sac, je me suis dit que c’était cool. Et puis je me suis demandé pourquoi j’avais trouvé ses mains étranges. je les ai observées à nouveau: elles étaient posées sur la robe. Ses doigts m’ont semblé forts et durs. Je me suis dit que j’aurais aimé avoir un appareil photo sur moi, que ces mains posé sur cette robe étaient quelque chose de beau, et puis je me suis dit que de toutes façons je n’aurais jamais osé prendre cette photo.

Tu as enlevé tes mains, j’ai pensé que j’étais grillé et que c’était la honte. J’ai évité tes yeux pendant quelques secondes, puis je t’ai regardé et nous nous sommes souri. Ce n’était pas un sourire gêné de séduction timide mais un grand sourire de complicité. Un peu comme les sourires complices qu’on échange avec un inconnu lorsqu’on est les deux seuls témoins de quelque chose de drôle. J’ai détourné le regard, sans trop comprendre ce qui se passait, sans comprendre de quoi nous pouvions être complices: il ne se passait rien de drôle autour de nous. Puis nous nous sommes souri une deuxième fois, de la même façon et nous avons regardé ailleurs à nouveau.

Au moment de sortir à Tolbiac, j’ai voulu échanger un regard une dernière fois mais ça a foiré. Je suis sorti du métro en me sentant maladroit et bête. Sur le quai, je me suis retourné avec espoir. Tu étais retournée aussi et nous nous sommes souri une troisième fois, cette fois j’ai trouvé ça un peu triste. Le métro est parti, j’ai pensé que je venais de vivre quelque chose d’important et d’unique et que j’allais essayer de l’écrire, sauf qu’arrivé chez moi, la seule chose à laquelle j’ai pu penser c’est “comment retrouver quelqu’un qu’on vient de croiser dans le métro”.

    Détails

  • Métro7à Tolbiac.
  • Une rencontre faite le 24 juin 2017.
  • Rédigé par un homme pour une femme.
  • Publié le samedi 24 juin.