Une histoire d’O, par un mec en carafe

O, c’était la première lettre de son prénom.

“Oh”, c’est ce que je me suis dit le jour où j’ai aperçu son visage.

O, c’est un cercle sans début ni fin, où il n’y a rien à ajouter, dont on ne retire rien. Le symbole de la perfection.

J’en ai quand même retiré force soupirs, un peu vains.

O, enfin, c’est la forme que prend la Lune, dans sa plénitude, lorsqu’elle illumine de son éclat glacé la douceur de la nuit. Sauf qu’à la différence de l’astre nocturne, la beauté de O, elle, ne fait pas de quartier.

La première fois que je la croisais, un collègue me cria que c’était mon “genre de femme”. Bien vu de sa part ! Mais que ne me le faisait-il savoir de façon plus discrète …

La deuxième fois, je croisais son regard. J’y lus quelque chose de dur, quelque chose de noir, qui ne cadrait pas avec son allure féérique. Et cette fois ce fut mon âme qui me hurla à l’oreille : “N’y vas pas”.

Je préférais écouter mon coeur. Je choisis mon malheur. J’y suis retourné. Je me suis enivré de sa présence, du charme de son sourire, et de sa prestance, jusqu’à en pleurer certains soirs, notamment celui où je lui avouais niaisement que je “l’aimais beaucoup”.

C’était gênant. Mais quoique mes tempes commencent à grisonner doucement, je n’avais encore jamais dit ce genre de choses à personne auparavant. N’était-ce pas dommage ? Alors je l’ai fait. Et dès que j’eus franchi le seuil de mon domicile, je fondis en sanglots. Je me sentais comme un soldat cerné qui vient de tirer sa dernière cartouche. Il est encore vif mais se sait déjà mort. Chat de Schrödinger, sors de ce corps !

Pendant ce temps, la Lune, perchée au firmament, ne demande rien à personne. Elle se tient là simplement, offerte dans sa gloire à tout un océan de regards. Indifférente, sans prononcer un mot, elle capte en marées toutes les eaux qui s’étendent à la surface de ce monde. Ainsi en est-il d’O, indifférente, dont l’attraction s’exerce sur moi, irrésistible, depuis ce qui me semble être la nuit des temps.

384 400 kilomètres. C’est à peu près la distance qui nous sépare.

Néanmoins, j’ai tout tenté de ce qui m’était possible pour toucher son coeur et décrocher la lune. Dans ma folle addiction, je lui offrais des mots, des chocolats et des fleurs. Je me parais de toutes les couleurs, et plus encore. Je composais même une mélodie en son nom, même si probablement elle l’ignore. Cet air me hantera désormais jusqu’à ma mort.

* Ami musicien, suis mon conseil : ne suis jamais mon chemin, si tu veux oublier ta belle. En composant pour elle, tu te la rendras plutôt immortelle …

J’espère me tromper, mais O me préfère, je crois, les gros rappeurs au style gangsta, et les fins psychologues du ballon rond, qui éblouissent chacun par la richesse de leur conversation. Dans une même phrase, ils sont capables de parler du PSG, du Real mais aussi du Barça. Et c’est à peu prés tout ce qu’ils expriment. C’est dire quelle vive intelligence du monde ils déploient, et comme ils feront de doux et aimants compagnons, toujours disponibles en dehors des compétitions.

Si j’en crois ce que j’ai vu sur les conseils d’un ami, en consultant un certain site, O s’est un temps entretenue (quand elle avait 19 ans) avec des lourdauds. Je pense notamment à un type qui aujourd’hui s’affiche sur les réseaux sociaux à poil dans sa baignoire en compagnie de ce qui ressemble à une prostituée. La grande classe. Se peut-il qu’elle l’ait aimé, lui ? Le charme des Verseaux sans doute …

Mais comment une femme peut-elle tolérer d’être la chose d’un homme qui considère tout son genre comme de la “viande” à embrocher ? Par quel conditionnements en arrive t-on à ce genre d’abérrations ?

La vie, ce monde … désormais tout m’écoeure. J’en viens à regretter de n’être pas le dernier rappeur à la mode, de ne pas singer les gangsters du ghetto des années 80 pour compenser le vide de ma personnalité. Peut être me prendrait-elle pour un mec intéressant si j’agissais ainsi ?

* Ami pas musicien, suis mon conseil : quand tu veux connaitre une fille qui ne te parle pas, ne vas pas regarder sur Twitter avec qui elle a causé quand elle sortait de l’adolescence. Tu tomberais de haut en voyant après qui tu passes dernier.

Mais il est temps de conclure :

Aussi basses soient les eaux, toujours elles subissent l’emprise de la Lune.

Aussi hautes se fassent les vagues, elles n’en caresseront jamais les rivages.

L’eau aspire à rejoindre la Lune mais n’y parvient point.

Je voudrais être à O, de tout coeur, sans condition je lui remets ma rédition. Mais elle ne veut pas de moi. C’est certain. Je vomis donc ma vie et ne crois plus en demain. Je suis stupide et je le sais bien.

Je lui souhaite de trouver le bonheur qu’y s’est refusé à moi.

Qu’elle trouve la perle rare : le barman aux 160 amies Fassbook en bikini, qui lui sera fidèle toute sa vie. Le rappeur convertit au slam radical, qui jamais ne la battra pour n’avoir pas mis sa burka. Le serveur maigrelet qui claquera tout son salaire en cigarettes frelatées sans jamais choper un cancer. En somme, un homme qui l’aimera pour ce qu’elle est, telle qu’elle est, sans lui imposer de se grimer ou de se percer la langue. De façon totale et inconditionnelle.

Elle le mérite. Même si peut être elle ne le croit pas. Elle mérite mieux que ce qu’elle a.

Quant à moi, je me trouve prisonnier de cette fâcheuse passion comme le bateau miniature l’est de sa bouteille. Il voudrait voguer au loin, mais reste condamné a rejouer pour l’éternité la scène de son naufrage.

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Pardonne moi gentil lecteur qui m’a lu jusque ici (vraiment ? Es-tu fou ?) de t’avoir infligé par mes mots ce supplice. Ne fais pas comme moi. Aie de la chance, et si tu n’en trouves pas, ne te plains pas. C’est inutile et ça ennuie les internautes.